Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

ÉTABLISSEMENT EN ANGLETERRE (1806-1801). 321

levés de la Sprée au Rhin, et traçait, à la veille d'Iéna, le plan de campagne des Prussiens en 1813 (1).

Un passage curieux de ses dernières lettres à d’Antraigques mérite d’être relevé. Dans sa haine contre Napo. léon, il ne pouvait lui pardonner d’avoir permis la réunion du sanhédrin israélite à Paris, et il demandait à son ami de prècher la croisade contre les Juifs protégés du Corse : « Quel souverain peut ne pas chasser les Juifs ou ne pas exiger d'eux de n'avoir aucune communication avec cet institut sous peine irrémissible de la vie? C’est pis que les jésuites. Que de millions de Juifs faufilés dans les secrets de toutes les familles, maîtres d’une grande partie du numéraire, intrigants au suprême degré, fanatiques infatigables, persévérants! Dites cela à nos contemporains qui ont des yeux pour ne point voir (2). »

Le 3 septembre, d'Antraigues arriva à Londres. Depuis 1804, époque de la retraite de Simon Woronzov, la Russie n’était plus représentée en Angleterre que par un chargé d'affaires. Celui-ci fit obtenir au nouveau venu, comme à un agent diplomatique régulier, l'entrée libre de ses effets à la douane, puis les premières démarches du personnage le mirent en défiance. D’Antraigues se glissait à la légation de Suède, y remettait des paquets à l'adresse du roi Gustave IV, et obtenait par ordre exprès venu de Stockholm l'usage du chiffre de cette légation,

(1) D’Angiviller à d’Antraigues, 7 octobre 1806. (A. K., France, vol. 629, {° 492.) — Jean de Müller au même, 30 septembre. (bid., vol. 641, f 10.) Le 5 octobre, il écrivait encore à d’Antraigues : « Dans tous les pays je vivrai et mourrai dans et pour les principes que nous nous connaissons. » Le 20 novembre il obtenait une audience de Napoléon et se mettait à son service.

(2) Jean de Müller à d’Antraigues, 5 octobre 1806. (A. F.)