Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

ÉTABLISSEMENT EN ANGLETERRE (1806-1807). 323

dire à demi Anglais, par son affiliation à la Société royale de Londres. Bientôt on l'entendit se targuer d'avoir conquis de prime abord l'accès et la confiance du premier ministre lord Grenville : mais son passé n'était que trop connu, et Froment, son ancien émule, venait de le dénoncer expressément au Foreign Office (1). Le roi et un autre ministre, lord Howick, demandèrent à Nicolaï : « Que vient faire cet homme en Angleterre? » Cependant l'espérance de le rendre utile lui fit octroyer sur les fonds secrets une pension de 50 livres sterling par mois, qui fut plus tard presque doublée et portée à 1,000 livres par an (2). Comme il y avait alors entre le roi George et l’empereur Alexandre communauté étroite d'intérêts et de périls, d’Antraigues ne croyait sans doute trahir personne en se plaçant au point de vue anglais pour apprécier ce qui se passait sur le continent, de la Vistule à la Néva.

C’est ainsi qu'on l'entend spontanément faire connaître ses préférences sur le choix du diplomate destiné à remplacer S. Woronzov à l'ambassade russe de Londres. Il redoute ses anciens correspondants d'Italie, Lizakéwitch et Stackelberg, et insinue au cabinet anglais de demander directement comme persona grata Strogonov, ministre à Madrid et beau-frère de son ami Troubetskoï. En attendant, il aimerait fort être l'intermédiaire important entre les deux pays, et il presse Canning de transmettre par son canal un plan de finances propre à faire connaître aux Russes les subsides qu’ils doivent encore

(1) Froment au sous-secrétaire d'État sir Frédérick Vincent, 18 octobre 1806. (R. O., France, vol. 75.)

(2) Note de lord Howick, 12 juin 1807. (R. O., France, vol. 76.) — D'Antraigues au sous-secrétaire d'État Culling Charles Smith, 5 octobre 1811. (Jbid., vol. 88.)