Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

ÉTABLISSEMENT EN ANGLETERRE (1806-1801). 325

Tout en s'acquittant ainsi envers ses nouveaux protecteurs, il n’oubliait pas les anciens. Il écrivait des lettres à Pétersbourg et des articles dans le Courrier d’Angleterre en faveur de la cause toujours pendante sur les champs de bataille de la Prusse et de la Pologne. À cette cause il recrutait des champions de toute origine; il y rallia le vieux Dumouriez, qu'il n’aimait pourtant guère. Le 14 octobre (jour où se livrait la bataille d'léna), il fransmettait un mémoire dans lequel le vainqueur de Jemmapes s’ingéniait à battre sur la carte les rivaux heureux qui l'avaient fait oublier à la tête des armées françaises. Quelques jours après, il adjurait Canning de dépêcher Dumouriez sur le continent, au milieu de l'armée prussienne en déroute.

La paix de Tilsitt, l'alliance conclue soudain entre le vainqueur et le vaincu, furent pour d’Antraigues la ruine de ses espérances et le présage de sa disgrâce. S'il voyait Kourakine, un de ses fidèles protecteurs, remplacer Razoumowsky à l'ambassade de Vienne, il devait subir, comme chef immédiat aux affaires étrangères, le comte Nicolas Roumianzov, et Roumianzov était tout prêt à céder, au moins dans Les questions secondaires, au nouvel ami de son maitre. Aussi, lorsque Caulaincourt, à peine arrivé en Russie, demanda la rupture de toutes relations avec d’Antraigues, il lui fut répondu qu'on n'attendait qu'une occasion, qu'on ferait surgir au besoin un prétexte. Comme preuve de bonne volonté, on montra un ordre préparé, prescrivant à d'Antraigues de congédier son secrétaire et de ne plus envoyer de lettres; on lui conservait néanmoins jusqu'à nouvel avis ses litres et traitements. Cet ordre ne parvint pas à destination, et celui qu’il concernait n’en fut que plus surpris quand il apprit, six mois après, sa complète disgrâce : « Sa

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