Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

328 CHAPITRE HUITIÈME.

arrière-pensée, c’est qu'il ne voulut jamais ni signer ni faire enregistrer au Sénat l’ukase qui confirmait légalement la disgrèce de l’ancien conseiller de légation. Mohrenheim subit aussi une défaveur apparente, et fut privé même de l'espoir d’un emploi, mais il reçut de l'empereur en secret des commissions et des gratifications. Ainsi détaché malgré lui de la Russie, d'Antraigues perdit aussi le dernier lien qui le rattachait à l'Espagne. Il se vit supprimer (janvier 1807) la pension dont il jouissait à Madrid depuis 1793, et probablement avec elle disparurent pour lui les bénéfices de sa naturalisation espagnole. IL n'avait plus qu’à se vouer exclusivement au service anglais, et c’est ce qu'il fit pendant les cinq années qui lui restaient à vivre.

Outre ses consultations sur les affaires de France, dont nous reparlerons, outre ses articles dans le Courrier d'Angleterre, journal pour lequel il était l'intermédiaire des subventions ministérielles, on trouve dans ses papiers un exposé des mesures à prendre contre l'éventualité d’une expédition franco-russe aux Indes, des lettres sur l'opportunité d'une occupation de Candie et de l'Archipel par les Anglais (1). Mais l'Espagne attirait surtout sa pensée; il se souvenait des espérances qu'il avait fondées sur l'enthousiasme religieux des Espagnols en face de la France révolutionnaire; il les voyait s'accomplir contre la France impériale, et il essayait d’associer à cette cause populaire la cause des rois de l'Europe, et en particulier celle des Bourbons. Nons verrons plus loin comment il chercha à y intéresser le duc d'Orléans. Demeuré, quoi

(1) Ges pièces paraissent l'œuvre d'un de ses correspondants anglais, Leckie. (A. F., France, vol. 639.)