Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

330 CHAPITRE HUITIÈME.

et, avec un corps russe flanqué de Monténégrins et d’Albanais, tenter quelque coup hardi en Italie. « Ce n’est point en prince, disait-il, qu'il faut m'envisager, mais en militaire qui aime passionnément son métier, et qui veut s’y faire une réputation (1). » D'Antraigues savourait presque comme des hommages personnels de telles propositions, auxquelles la paix continentale ne permit pas de donner suite.

Il avait oublié depuis longtemps ses diatribes contre Philippe-Égalité, et se disant qu'il ne fallait qu'un homme pour donner une âme à la résistance des Espagnols, il croyait avoir trouvé cet homme dans le duc d'Orléans. De Palerme, où il était venu épouser sa cousine MarieAmélie, ce prince vint à deux reprises en Espagne, et s'y heurta à l'indifférence des Cortès et au mauvais vouloir de l'Angleterre. Grâce à lui, du moins, d'Antraigues se réconcilia de loin avec la reine Marie-Caroline, s’ingéra dans les affaires de Sicile (2), et d'autre part se fit l'intermédiaire officieux du duc auprès des ministres anglais. Les lettres qu'il reçut alors de lui, publiées inopinément en 1841, ont pu sur le trône constitutionnel de France embarrasser leur destinataire; il ne les à cependant jamais désavouées.

Lorsque Canning arriva au ministère des Affaires étran-

(1) D'Antraigues au général de Budberg, 14 octobre 1806. (A.P°) (2) Mémoire sur les affaires de Sicile, 11 août 1810. (R. O., France, vol. 80.) Il écrit au sous-secrétaire d’ État Smith, le 5 octobre 1811 : « Je vous ai confié, il y a plusieurs mois, des lettres de la reine de Sicile; je n'ai pas eu une seule instruction sur le conseil qu'elle me demandait et sur ceux à lui donner... J'ai cessé cette correspondance depuis huit mois avec M. le duc d'Orléans, et avec la reine, je l’ai rendue peu à peu inutile, avec respect, mais en lui en faisant sentir l’inutilité par l’insignifiance de mes

réponses. » (/bid., vol. 88.)