Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

PUISAYE. — LES BOURBONS (1807-1811). 331

gères, d'Antraigues devint son correspondant attitré pour les affaires de France; il partageait cet emploi avec un autre exilé, Henri Larivière, qui jadis avait juré comme : lui haine aux rois et glorifié le Contrat social à la tribune. Un de ses mémoires sur l’état de la France, le premier sans doute en date (octobre 1806), est particnlièrement curieux. Il est d’une époque où l’auteur se vantait d’avoir Lx confiance entière de Canning, à ce point que chaque matin il allait causer avec lui en tête-à-tête. Dans cette œuvre, destinée à établir sa réputation sur ce nouveau théâtre, d'Antraigues reproduisait les vues et les arguments développés deux ans auparavant à Pétersbourg et à Vienne, et posait avec une clairvoyance divinatoire les bases nécessaires d’une restauration royale. Il n’en était plus à dire : « Point d'accommodement » , et regardait au contraire l'accommodement comme nécessaire avec ceux qu'il jugeait les plus coupables : les régicides et les acquéreurs de biens nationaux. Il ne croyait plus d'autre part que l'Europe püt venir à bout de la France par les armes; la France seule devait se délivrer de son tyran et ressaisir, à l'abri d’un pacte social nouveau, le cours de ses traditions nationales.

D'Antraigues avait rencontré à Londres, outre ses vieux amis d'émigration, des hommes qu'il avait jadis haïs et qui se désespéraient comme lui de n'avoir pas occupé ou gardé le premier rang, le vainqueur de Jemmapes et le vaincu de Quiberon, Dumouriez et Puisaye. Il obtint par le premier accès dans les bureaux de la guerre, le prôna en revanche auprès de Canning et de Budberg, et s'entendit proclamer par lui le seul homme capable de sauver l'Europe (1).

(1) Favcus-Borez, Mémoires, t. IT, p. 372