Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

PUISAYE. — LES BOURBONS (1807-1811). 333

mander des terres au prince héréditaire de Portugal réfugié au Brésil, le seul qui, sur tout le continent européen, n'eût pas alors fléchi devant Napoléon. Puisaçe les eût mises en culture, d’Antraigues fût resté à Londres comme représentant de l’entreprise, et l’un et l’autre devaient ainsi transférer leurs titres et leurs noms à des domaines créés par eux. Encore un rêve évanoui aussitôt que conçu, et qui céda la place au désir invincible de poursuivre les vieilles chimères, de satisfaire les vieilles rancunes.

Louis XVIII, victime, comme son serviteur disgracié, de la paix de Tilsit, venait de quitter Mittau, et se préparait à rejoindre ses derniers fidèles sur le sol anglais. Parmi ceux-ci était Fauche-Borel, qui, à défaut d’autre projet raisonnable, conçut celui de réconcilier le roi et le « traître » de Milan (1). Vivement sollicité par lui d'abjurer ses ressentiments, d’Antraigues remit sous les yeux de Fauche les pièces qui constataient sa disgrâce, parla de sa dignité blessée avec la colère du premier jour, et laissa cependant échapper cette parole : « Il est roi de France; fût-il une buse, je le servirai. » Le bon Fauche se retira, tout joyeux de la conversion qu'il croyait avoir opérée. Dans sa satisfaction, il envoya au rebelle pénitent une magnifique boîte en or ornée du portrait de Louis XVI. La boîte fut acceptée, mais le donataire n’en consulta pas moins exclusivement Puisaye, lorsqu'il s'agit de parler du roi aux ministres anglais. L'un et l’autre insinuèrent à Canning qu'il fallait reléguer Louis XVII,

(1) Favcus-Borer, Mémoires, t. IT, p. 255-257, 330-334, 405%08. (CF. R. O., France, vol. T9, où se trouvent plusieurs lettres de Fauche, une en particulier du 42 décembre 1809 au ministre des affaires étrangères, qui est une dénonciation formelle contre d’Antraigues.)

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