Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

344 CHAPITRE HUITIÈME.

lui disait Armfelt, pour le plan d’un traité de commerce entre la Russie et l'Angleterre. On vous enverra à cet effet un bon Russe, bien décoré, que vous dirigerez (1). »

Le bruit de cette nouvelle situation fut-il pour quelque chose dans les causes de l'attentat auquel d'Antraigues allait succomber ? Il est impossible de l’affirmer ; toujours est-il que, durant l'été de 1812, malgré ce retour apparent de la fortune, il était obsédé par de tristes pensées, et, de même qu’il se sentait opprimé, espionné sous son toit, il croyait deviner autour de Jui d’invisibles et redoutables ennemis. Déjà, depuis plusieurs années, il avait été la victime d'accidents propres à lui faire supposer un système assidu de malveillance active organisé autour de sa personne. En juillet 1807, des voleurs avaient été surpris dans sa maison et mis en fuite au moment où ils allaient piller son cabinet. Un peu plus tard, le feu prit, on ne sait comment, aux alentours de ce même cabinet, et un ami, le journaliste Peltier, se trouva heureusement là pour aider à sauver les papiers les plus précieux. D’Antraigques en vint à supposer un attentat prémédité contre sa personne, parce que son domestique, en oubliant d’abaisser le marchepied de sa voiture, lui avait fait faire une chute qui l'avait blessé (2). Jusque dans les temps lointains de sa jeunesse, il pouvait retrouver de lugubres avertissements pour ses vieux jours. Un sorcier Jui avait dit en Égypte : « Dans ce monde tu seras infime, tes femmes te seront inlidèles ct tes bâtards t'assassineront. » Peu considéré, fraité avec dureté par

(1) Armfelt à d’Antraigues, 1 juin 1812. (A. K.) Cette lettre n’est qu’une copie de la main de d’Antraigues.

(2) Papiers Puisaye, vol. LXXXUIIT, f* 9 et #2. (B. = Favcne-Borez, Mémoires, t. IV, p. 95.