Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

L'ASSASSINAT (1812). 347

Un émigré, qui se tua quelques années après, était son intermédiaire auprès de Fouché. D'Antraigues ayant un jour cherché inutilement les pièces absentes, Lorenzo se crut découvert et pensa prévenir le scandale par un crime qui l'épouvanta une fois commis, et lui fit se donner la mort. À l'appui de ces dires, on affirmait l'avoir vu recevoir, l'avant-veille du 22 juillet, une lettre qu'il avait aussitôt brülée avec des signes d’agitation et de trouble (1). Mais que contenait cette lettre? On n'en savait et on n’en saura jamais davantage.

Ceux qui mettaient la politique hors de cause s’en tenaient à une conjecture aussi probable, et assurément plus vraisemblable. D'Antraigues était tombé sous le coup d'une vengeance particulière, comme deux mois auparavant le ministre Perceval à la porte de la Chambre des communes. Lorenzo n'avait passé que trois mois au service de ses futures victimes. C'était une tête à moitié dérangée, et le fils de la maison avait écrit pour qu'on s'en défiât. Il avait paru exaspéré par l'extrême parcimonie de sa maîtresse; quinze jours avant d’être congédié, il avait alarmé tout le monde par un coup de pistolet tiré au hasard, après avoir visé la place où son maitre s’asseyait d'ordinaire pour travailler. Il était donc plus simple (je ne dis pas plus sûr) de voir dans l'assassinat du couple d’Antraigues l'effet de la vengeance d’un Italien exalté, d'un domestique chassé, puis affolé au spectacle de cette vengeance si horriblement satisfaite. Les mystères d'une politique sans scrupules n'ont été pour

(1) Morniig Chronicle, 28 juillet 1812. — On lit dans les Mémoires inédits du baron DE Damas : « Pour moi, qui n’ai connu que de loin le comte d’Antraigues, je suis persuadé qu’il à eu des rapports avec les sociétés secrètes, et que celles-ci ont dirigé l'assassin. »