Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

L'ASSASSINAT (1812). 349

Intrigant donc, — et on sait qu’à la racine de toute intrigue il y a beaucoup de vanité et d'égoisme, — il oublia volontairement que beaucoup de ses compagnons défendaient au prix de leur sang la cause des rois; il préféra devenir parmi eux le type par excellence du politicien, c’est-à-dire de ces hommes qui vivent des ambitions et des malheurs d'autrui, et qui les exploitent d'autant mieux qu'ils spéculent, au gré de leurs intérêts ou de leur imagination, sur de folles chimères ou de vaines espérances. Il se montra plein de talents et de ressources, mais en même temps indiscret, affairé, mécontent de fout et, comme on disait de certains, « trompeur, trompé, trompette . Né au temps des Encyclopédistes, il avait été longtemps persuadé que la plume conduisait le monde; il s'était figuré qu’en tête à tête avec son écritoire il pourrait à son tour « écraser l’infâme », lutter avec succès contre la Convention et contre Bonaparte, et il dut voir, sans se résigner jamais, les Français ‘de la génération nouvelle, avec la guillotine et le sabre, anéantir la vieille France et dompter la vieille Europe. Il finit, bien à contre-cœur, par donner luimême, à ce qu’il appelait sa cause, son sang et sa vie. Il avait vécu d'illusions, puis uniquement de haine.

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