Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

APPENDICE. 379

bêtes comme Gallo, Cobenzl, c'est de vouloir aller par elle; elle dit tout cela à Bonaparte qui en fait et lui fait faire ce qu'il veut. La reine d'Espagne est exceptée quelquefois ; elle s'y intéresse, mais pas pour de grands objets, et elle l'avertit à peu près de tout par Hervas.

J'ai voulu savoir en qui elle mettait sa confiance pour ces messages secrets chez l'un et chez l’autre, et je le lui ai demandé. Elle m'a remereiée et m'a priée de laisser venir chez moi cette même personne. Elle me l’a nommée, c'est une tante à elle, logée rue de Tournon, nommée Mme de Copons, veuve. Elle était très riche, elle a tout perdu et était émigrée en Angleterre; elle l'en a fait revenir et lui a fait 20,000 francs de pension, résolue de ne la pas tirer de son obscurité, et elle très résolue de n’en pas sortir. Elle la vient voir tous les jours, seule, le matin ou le soir, lui écrit à loute heure, et est très considérée de Bonaparte et très dévouée à Mme Bonaparte. Je l'ai vue le lendemain et l’ai menée à Suresnes avec moi, car elle ne voulait pas voir la cérémonie. C’est une très bonne et très sage lemme, rien de brillant, beaucoup de bon sens, très attachée à l’ancien régime, et elle l’a prouvé, puisqu'elle a perdu toute sa fortune pour ses opinions, mais dont l'attachement à l'ancien régime a fini avec le feu roi. C'était ce que l'on nomme une femme de finance, enrichie par les affaires des colonies, son mari, président au Parlement de Toulouse (1), n'ayant de sa vie parlé à notre roi ou à sa divine reine, mais l'ayant vue et l'aimant, parce que la voir et l’adorer, c'était tout un pour un bon cœur. Elle déteste toule la famille de Bonaparte à la mort, excepté la mère. Elle n'aime pas Bonaparte et connait tous les travers de sa nièce, mais elle lui est très attachée comme elle le doit. Elle a quelques sociétés du faubourg Saint-Germain, très aristocrates, mais elle est d’une sûreté à toute épreuve. On peut dire devant elle tout ce que l’on veut, jamais un mot ne s'échappe d'elle. Elle se

(1) À la cour souveraine du Roussillon.