Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

APPENDICE. 387

pas se mêler de cela, mais uniquement d’un rapprochement nécessaire, et vous seule y pouvez contribuer. — Oh! pour qu'il reste ici à me tourmenter et donner des conseils de coquin à Bonaparte! je ne le veux pas. — Mais, c’est tout le contraire; il sera en Italie, à la tête du gouvernement de l'Italie, et c’est la base des plans de Bonaparte. Oui, il se révoltera contre nous! — Mais, madame, il n’y sera que le représentant de Bonaparte, sous sa plus entière dépendance; il est détesté du soldat, et se fera haïr de tout le monde. — Eh bien! pourquoi l'envoyer là? — C'est qu'il ne peut rester en France; c'est qu’on ne lui peut refuser beaucoup d'esprit et de caractère, qu’il est homme à tout oser pour assurer le système de Bonaparte qu’il approuve; qu'il déteste l’empereur d'Allemagne, l'empereur de Russie et l'Avgleterre, et que Bonaparte a besoin là d'un homme de cette trempe pendant dix ans. — Eh bien! qu'il reste là. — Mais Bonaparte a prononcé la nécessité du divorce, Lucien a résolu de résister. IL n’y a que vous qui puissiez arranger cela, et j'ai imaginé de faire venir Mme Bonaparte la mère ici, pour que Bonaparte ait l'air de ne céder qu'à elle seule : mais j'ai voulu être sûr que vous y consentez et l'appuierez. — Je le veux bien, mais pourvu que lui ne vienne pas alors proposer à Bonaparte de faire venir ma belle-mère, et je l’en prierai aussi. — C'est tout ce que je désirais; j'en parlerai ce soir et je lui enverrai un courrier, car ceci presse fort, el il faut que tout s'arrange pour pouvoir, au mois de mars ou d'avril, faire tout marcher ensemble dans l'Europe. — Eh bien! c’est convenu, mais je ne veux pas qu'il vienne ici ; j'ai eu trop de chagrins à son occasion. »

Voilà, j'en suis sûr, mot pour mot, la conversation, car j'écoulais de toutes mes oreilles. Ensuite il lui remit une lettre de Mme Souza, qu’elle lut, et lui dit : « Diles-lui que Bonaparte m'a dit: « Oui, très volontiers ». Je n'ai pas su ce que c'était; je le saurai; je l'ai noté.

Alors elle lui dit : « N'est-ce pas, Talleyrand, que nous aurons la paix? Elle ne veut pas le croire. » Il lui dit :