Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

416 APPENDICE.

Talleyrand a beaucoup d'esprit, beaucoup de connaissances et surtout une grande sagacité pour sophistiquer. Son amour-propre est de trouver des raisons à lout. Mais il n'a dans la rédaction aucune méthode, il voudrait tout entasser dans une page; il écrit d'une manière totalement illisible, et ce travail l’excède et l’impatiente.

Lorsqu'il a un travail à faire, il s'enferme avec Durant, à présent avec l’ami, ou Hauterive, ou Chevalier. Il leur dit tout ce qu'il veut, souffre des contradictions, non pas pour changer, mais pour y parer, et finit ainsi son travail. Alors celui avec qui il l’a fait le rédige à mi-marges et le lui lit. Il dit des corrections ou les écrit, ou met au nel. Voilà son travail pour une note de quatre lignes et pour un mémoire de cent pages. Ainsi a été fait celui-là. ‘

Durant l’a rédigé, j'ai le brouillon sous les jeux, il n'y a pas de changements à la mi-marge.

Ce discours ayant remis Talleyrand dans le plus grand crédit dont il ait jamais joui, il est utile de vous dire ce qu'il me paraît être en ce moment. Il aime sa place pardessus tout au monde, il n'aime pas Bonaparte, il en a affreusement peur, mais il croit que, Bonaparle perdu, il y aurait un bouleversement, que le parti des généraux rélablirait le Directoire, et cela est vrai, et que lui alors serait perdu, et je crois qu’il a raison.

Il est d’une richesse énorme. Hervas, son ami, croit qu'il a 14 millions, et il a toujours le goût de l'argent par habitude; il aime donc son argent et sa place et croit tout compromis si Bonaparte était écrasé ou tué. Voilà ce qui le tient tout dévoué.

IL est commode à Bonaparte par son insensibilité; il peut tout lui dire et lui faire, il n'a ni humeur ni rancune. Il travaille et fait rigoureusement travailler, mais il fait largement payer et ferme les yeux, pour ce qui est chef, sur des profits en affaires; on est attaché à sa méthode sans l'estimer ni aimer. Il hait à mort l'Angleterre et affecte de mépriser la Russie, qu’il hait de circonstance, de peur qu’elle