Un diplomate d'il y a cent ans : Frédéric de Gentz (1764-1832)

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Nous pouvons donc partir de ce principe que les hommes n’ont atteint la perfection ni au point de vue intellectuel, ni au point de vue moral. Cest ce que Gentz exprime très nettement dans son article sur les constitutions qui partent du principe de la séparation des pouvoirs‘. A la perfection correspond l'unité, à l’imperfection au contraire la séparation. Ce qui fait que l’homme est gouvernable, c’est que c’est un être imparfait, doué d’un certain désir de perfection et de certaines dispositions à se perfectionner. En effet, l’unité dans le gouvernement sans aucune séparation est concevable chez des êtres parfaits; chez des hommes, avec leurs faiblesses et leurs défauts, elle dégénère souvent en tyrannie, que ce soit la tyrannie d’un monarque ou celle d’une assemblée. Quant à la séparation sans unité, elle ne peut être qu’anarchie. C’est justement parce qu'ils sont dans un état intermédiaire entre l’imperfection absolue et la perfection absolue, que les hommes ont pu sortir de l’état sauvage ; c’est justement pour cela aussi qu’il leur est impossible d’être bien gouvernés avec une constitution basée sur l’unité.

Et il est curieux de voir combien Gentz est dès ce moment d’accord avec Schiller sur ce qui constitue la pensée initiale des Lettres sur l'éducation esthé-

1. Neue Deutsche Monatsschrift, octobre 1795. Tome III, p. 81 et suiv.