Un diplomate d'il y a cent ans : Frédéric de Gentz (1764-1832)

— 146 —

L’harmonie et l'équilibre ne se réalisent donc dans le domaine de la politique que grâce à la séparation des pouvoirs. Cest ainsi que Gentz arrive à l’idée de Montesquieu. Mais alors que chez Montesquieu cette séparation n’était en quelque sorte qu’une garantie contre le despotisme, elle devient chez Gentz un cas particulier du système général de l’équilibre. Gentz a vu l’application des théories de Montesquieu dans la pratique, il a vu à quelles conséquences elles avaient abouti. D’après lui, le grand problème constitutionnel consiste bien moins à organiser sur le papier la séparation des pouvoirs — ce qui est toujours facile — qu’à concilier dans le gouvernerment la séparation et l’unité, ce qui est de nouveau une question d'équilibre. Si la séparation est trop bien organisée, elle conduit facilement à l’anarchie, chaque pouvoir étant tenté de résister à l’autre jusqu’au bout. Si elle est au contraire organisée d’une façon défectueuse, elle laisse encore trop d'unité, par conséquent trop de place au despotisme. Dans la plupart des constitutions uniquement dominées par le souci de la séparation des pouvoirs, on a en général trop séparé d’une part, pas assez de l’autre. Ce qui donnera de l’anarchie par ici, du despotisme par là.

Or, ce n’est pas avec de l’anarchie d’un côté, du despotisme de l’autre, qu’on arrivera à bâtir une