Un diplomate d'il y a cent ans : Frédéric de Gentz (1764-1832)

— 450 —

esprit humain, le principe de conservation et le principe de progrès. Il n’y a pas lieu de condamner l’un ou l’autre. En disciple de l’Aufhlärung, Gentz croit toujours à la nécessité du progrès. Mais pour être durable et fécond, ce progrès doit avoir un contre-poids. Et Gentz croit être un de ceux qui sont destinés dans l’intérêt de l'humanité à le maintenir dans des limites convenables. C’est là la raison de son conservatisme. Un rapprochement de cette lettre à Amélie von Imhof et de celles du 14 octobre et du 23 décembre 1805 à Johannes von Müller s’impose. Il à été fait par M. Guglia dans sa biographie de Gentz'. À travers les âges, pensait Gentz en 1805, la balance penche tantôt d’un côté tantôt d’un autre. Quelques natures privilégiées, quelques hommes d'élite (die Besten ihrer Zeit) parmi lesquels il se range, ont pour mission de rétablir l’équilibre. Or, de son temps, il s’agit bien plutôt d'arrêter la course trop rapide du progrès que de l’activer. Aussi est-ce à cette tâche qu’il entend se consacrer.

À vingt-deux ans de distance, dans des lettres très différentes, Gentz insiste sur la nécessité d’un équilibre entre les tendances réformatrices et les tendances conservatrices. Ce grand principe, qui est

1. Voir Guglia, p. 115-117. Ce rapprochement est d'ailleurs déjà suggéré par Bluntschli (op. cit. p. 442 et 452), qui cite deux des lettres en question.