Un diplomate d'il y a cent ans : Frédéric de Gentz (1764-1832)

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plus en plus, pour que Gentz s’occupât de théories générales, que des événements particuliers lui en donnent l’occasion.

Or, lorsqu’en 1790 on craignaïit une guerre entre la Prusse et l'Autriche, Gentz — qui dix ans plus tard prèchera l’union de ces deux pays contre la domination napoléonienne — n’exprime ni une crainte ni une espérance dans ses lettres à Garve. Il en parle comme s’il s'agissait à la fois de la chose la plus naturelle et la plus indifférente. Il devait affecter, comme beaucoup de ses contemporains, de s’élever bien au-dessus de ces petites querelles de princes et de ces mesquines intrigues de cour. Et, cependant, il ne mettait pas le même zèle que Kant pour contribuer à la suppression de ce fléau de l'humanité qu’est la guerre. Il se contentait de conformer vaguement ses désirs à ceux de Kant, espérait la fin des guerres dans un avenir lointain, croyait même sans doute à la réalisation de cet idéal, mais se résignait pour le moment à un mal nécessaire. A cette disposition d'esprit la conversion antirévolutionnaire de Gentz ne changea rien, comme le montre son article de décembre 1793, à la fin duquel, assez brièvement d’ailleurs, il exprime sa complète communion d'idées avec Kant; le progrès amènera l'avènement d’un droit des gens général. C’est là, pense-t-il, une espérance fondée sur la raison.