Un diplomate d'il y a cent ans : Frédéric de Gentz (1764-1832)

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paix générale * et qu'alors l’Europe pourrait respirer sans avoir à verser une goutte de sang.

Ce désir de neutralité à tout prix paraît singulier en un pareil moment. Car les avertissements n’ont pas manqué. De toutes parts, on a parlé des conséquences désastreuses de la Révolution pour l’Europe, des dangers de la propagande armée du Directoire?. Et Mallet du Pan surtout, dans les Considérations sur la nature de la Révolution et sur les causes qui en prolongent la durée — que Gentz a traduites — avait dit que la guerre contre la Révolution n’était pas une guerre ordinaire. C'était une idée que les émigrés cherchaient à répandre dans. l'Allemagne entière, et qui certainement n’avait pas pu échapper à Gentz.

C’est seulement un gain négatif : éviter de plus grands maux, ces quelques rares maux qui sont encore plus grands et reconnus comme tels par la

1. Voir à ce propos Mallet du Pan. Op. cit., p. 35 : «La Révolution et la guerre sont inséparables, elles ont une tige commune, etc...»

2. Il est vrai que Gentz dira, en 1801 (Ueber den Ursprung und Charakter des Kriegs gegen die franzôsische Revolution. Ed. Weick. IT, p. 286-287) qu'il considère la propagande armée, parce que plus brutale, comme moins dangereuse que la propagande par les idées et les brochures. Mais même pour permettre à la Révolution de continuer sa propagande armée, pour la forcer à ne pas employer l’autre, il fallait continuer la guerre. 11 faut d’ailleurs reconnaître que cet argument n’a plus aucune

valeur au cas où Gentz aurait pensé que la Révolution cesserait d'elle-même en France du jour de la conclusion de la paix.