Un diplomate d'il y a cent ans : Frédéric de Gentz (1764-1832)

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principe général de l'équilibre, ce système devant surtout protéger les petits Etats. Enfin, l'expérience avait appris à Gentz que l’idée de soutenir «honorablement» une guerre était, depuis la nouvelle tactique révolutionnaire, une conception surannée. Les résistances honorables qu’il citait dataient toutes d'avant 1789. Les guerres sont devenues des luttes à mort, où il faut vaincre par quel moyen que ce soit. Gentz, qui ne veut pas empêcher le développement des Etats dans certaines limites, se contentera donc de la résistance de la majorité. Mais justement à cause du caractère nouveau des guerres, il ajoute une nouvelle condition : Il faudra que la crainte seule d’une guerre soit suffisante. C’est là la vraie manière d'éviter les conflits, et de fonder le système fédératif de l'avenir sur une harmonie forcée ou voulue, en un mot sur la paix acceptée plus ou moins volontiers par tous. C’est la reprise de l’idée kantienne de l’article de 1784.

En somme, Gentz est mieux arrivé dans les Fragments que dans la Réfutation de d’Hauterive, à bâtir un système coordonné et complet. Au lieu de déduire de l’Histoire certaines idées générales, il a cherché à donner aux principes de l’équilibre une base rationnelle et, de cette façon, à les délimiter plus strictement. Toutes ses préférences restent

1. Voir Livre IT, Chapitre V.