Un diplomate d'il y a cent ans : Frédéric de Gentz (1764-1832)

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Quand on reste dans le domaine de la nécessité, qu’il s’agisse des sciences naturelles ou historiques, il faut marcher à tâtons, s’entourer de toutes sortes de précautions pour connaître et interpréter les faits. Dès qu’on est dans le domaine de la liberté, on peut négliger les faits, il n’y a plus qu’à se laisser guider par la raison. Il ne s’agit plus ni de rapports locaux. ni de liens temporels. Seuls les liens entre les idées sont des liens logiques. D'où facilité relative de déduction : «Je crois que toutes les matières de la philosophie pratique pure, si les concepts fondamentaux ont été analysés complètement et exactement, peuvent être déduites avec la plus grande sûreté et même sans grosse difficulté {». Les fondements de la philosophie pratique, c’est-à-dire de la morale, ne peuvent être que rationnels. Telle est la profession de foi rationaliste du jeune Gentz, qu’il aurait encore pu signer vingt ans plus tard.

Bien qu’on sente un souffle de sympathie révolutionnaire dans tout cet article, il n’y a presque rien que n’ait pu approuver un adversaire acharné de la Révolution. En effet, quand Gentz passe à l’application pratique, il se borne à énumérer trois droits

1. Berlinische Monatsschrift, 1791, 1. Band, avril, p. 372. «Ich glaube, dass alle Gegenstände der reinen praktischen Philosophie, wenn nur die Grundbegriffe richtig und vollständig ana-

iysiert sind, mit der grôüssten Zuverlässigkeit und selbst ohne grosse Schwvierigkeit auseinandergesetzt werden kônnen. »