Un diplomate d'il y a cent ans : Frédéric de Gentz (1764-1832)

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Son explication se base sur une distinction de l’homme politique théorique et de l’homme politique pratique (theoretischer und praktischer Politiker). Or, Gentz était l’un et l’autre. Elève de Kant, préoccupé des problèmes du droit naturel, il raisonnait en philosophe sur les événements de France. Fonctionnaire prussien, il était appelé dans sa modeste sphère à voir de près les rouages compliqués du régime établi par Frédéric IT. Sans qu'il s’en rendit compte lui-même, spéculation et action étaient nettement séparées dans son esprit et dans sa vie.

La France fut d’abord pour lui le pays de la philosophie appliquée, et à cause de cela presque l'idéal politique réalisé sur terret ; la Prusse restait le pays de la réalité et des affaires courantes. Cette séparation, cette opposition ne pouvait exister longtemps sous cette forme chez un homme ayant aussi peu de parti-pris national que Gentz. En effet, il était assez impartial pour reconnaitre ce qu’il y avait de bon et ce qu’il y avait de mauvais dans les différents gouvernements. Rationalisme d’une part, empirisme de l’autre, cela pouvait être le programme d’un homme polilique jaloux de la force de son pays — qui se

1. Voir la lettre à Garve souvent citée. Ed. Wittichen, 1, lettre 41, 5 décembre 1790, p. 178-179 : « Sie (die Revolution) ist der erste praktische Triumph der Philosophie, das erste

Beispiel einer Regierungsform, die auf Prinzipien und auf ein zusammenhängendes konsequentes System gegründet wird. »