Un exemple à suivre : la Prusse après Iéna : 1806-1871

LA HAÏNE PRUSSIENNE. 19

Nous avons ignoré longtemps quels trésors de haine les guerres de l’Empire avaient amassés dans le cœur du Prussien, chose plus grave encore, nous avons ignoré jusqu’à quel point il était parvenu à inspirer les mêmes sentiments à tous les Allemands. Après 1815, nous avons cru bonnement que tout était fini, que le compte était réglé, que Leipzig compensait Léna, Waterloo, Auerstædt, qu'il n’y avait plus qu'à se serrer les moins et à s’embrasser. Rien n’a pu nous ouvrir les yeux; notre bonté ne pouvait croire à la méchanceté. Tout remplis des idées de progrès, de civilisation, d'humanité, nous traitions ces bons Allemands d'amis et de frères; nous relisions naïvement, presque les larmes aux yeux, ce livre où Madame de Staël offre à notre admiration une Allemagne peignée, enrubanée, une Arcadie peuplée de bergers et de métaphysiciens. Nous ne voulions même pas reconnaitre que la Prusse désirait compléter à son profit l'unité de l'Allemagne et que le meilleur moyen pour elle d’arriver à ce but était d’exciter la défiance contre le voisin français, de présenter la Prusse comme le refuge et le palladium de la liberté allemande. Nos yeux se fermaient complaisamment à tout ce qui aurait pu nous donner l'éveil, et la politique aveuglé de nos gouvernements dédaignait tous les avertissements.