Zenit

A cet art si neuf qu' il n'en existait alors que le pressentiment, les mots, même aujourd’hui, manquent pour avoir servi à des images hélas inoubliées. Poésie et philosophie nouvelles. Il faut une gomme à effacer les styles, puis construire ingénument. Sommes-nous capables de tant d’ amputations ? Ni esprit, ni intrigue, ni theatre. Généralement le cinéma rend mal l' anecdote. Et »action dramatique« y est erreur. Le drame qui agit est déjà à moitié résolu et roule sur la pente curative de la crise, La véritable tragédie est en suspens. Elle menace tous les visages. Elle est dans le rideau de la fenêtre et le loquet de la porte. Chaque goutte d’ encre peut la faire fleurir au bout du stylographe. Elle se dissout dans le verre d' eau. Toute la chambre se sature de drame à tous les stades. Le cigare fume comme une menace sur la gorge du cendrier. Poussière de trahison. Le tapis étale des arabesques vénéneuses et les bras du fauteuil tremblent. Maintenant la souffrance est en surfusion. Attente. On ne voit encore rien, mais le cristal tragique '■ui va créer le bloc du drame est tombé quelque part. Son onde avance. Cercles concentriques. Elle roule de relais en relais. Secondes, Le téléphone sonne. Tout est perdu. Alors, vraiment, vous tenez tant que cela à savoir s'ils se marient au bout. Mais il n'y a pas de films qui finissent mal, et on entre dans le bonheur à l' heure prévue par 1 horaire.

Le drame est continu comme la vie. Les gestes le réfléchissent, mais ne l'avancent ni ne le retardent. Alors pourquoi raconter des histoires, des récits qui supposent toujours des événements ordonnés, une chronologie, la gradation des faits et des sentiments. Les perspectives ne sont qu'illusions d' optique, La vie ne se déduit pas comme ces tables à thé chinoises qui s'engendrent 12 successivement l’une de 1' autre. Il n’y a pas d’ histoires. Il n'y a jamais eu d' histoires. Il n'y a que des situations, sans queue ni tête ; sans commencement, sans milieu et sans fin; sans endroit et sans envers ; on peut les regarder dans tous les sens ; la droite devient la fauche ; sans limites de passé ou d’avenir, elles sont le présent. Je désire des films où il se passe non rien, mais pas grand chose. N’ayez crainte, on ne s’y trompera pas. Le plus humble détail rend le son du drame sousentendu, Ce chrononmètre est la destinée. Ce Tireur d'épines est la pensée de tout un pauvre homme, épousseté avec plus de tendresse que n'en gagnera jamais le Parthénon. L' émotion est peureuse. Le fracas d’ un express qui déraille d' un viaduc ne plait pas toujours à ses moeurs familières. Mais dans une quotidienne poignée de main, plutôt elle montre son beau visage frangé de larmes, D une pluie, que peut-on tirer de tristesse ! Comme cette cour de ferme est toute 1' innocence quand, dans la chambre, les amants s' étonnent d' un arrière goût. Les portes se ferment comme les écluses d' une destinée. Vingt

Mih. S. Petrov - Beograd linoleum

4