Bitef

tournais un petit film dans ma tête, avec mes yeux et une boîte d'allumettes tranchée qui sera plus tard la scène du Canard Pékinois. J'ai fait tout le montage du film que je vais essayer de tourner maintenant. Ce film sera la continuité du Canard, ce sera le même univers mais avec un autre espace et d'autres matières que je ne pouvais pas mettre sur la scène, comme l'eau et l'air. Sarajevo J'ai eu un grand choc en arrivant à Sarajevo à cause de la concentration d'influences austrohongroise et turque. Il y a dans cette ville une aualité d'humanité particulière avec le mélange slave et musulman. La langue aussi y est plus fine, le dialecte serbo-croate est une langue très douce avec beaucoup de »yé«. A Sarajevo, j'ai eu aussi le choc de cette langue. Je me suis mis à musique à cette époque, j'ai commence á jouer de la flûte dans les concerts militaires. Après mon service, j'ai choisi d'aller à Budapest continuer mes études d'histoire de l'art et de la musique. Après l'université, je voulais rentrer dans ma région et retrouver toutes les traces des diverses dominations hongroises, turques, slaves et de leurs Influences sur l'art. A un cours de cinéma, j'ai rencotrè une fille de mon village qui faisait du théâtre et m'a encouragé à y aller aussi. J'ai pris mon premier cours de théâtre, d'expression corporelle plutôt, une technique qui se situe entre le mime et le théâtre. Depuis toujours, je pratiquais les arts martiaux et la lutte gréco-romaine qui est une tradition pour les garçons dans mon village. Après quatre semaines de cours de théâtre, cela m'a pris et chaque jour, j'ai travaillé seul devant mon miroir. Je préparais un solo de ce qu'on appelle le théâtre du mouvement, je n'avais encore jamais fait de danse. Ce premier solo, que j'ai présenté au cours d'un festival, a été décisif puisque mon maître m'a alors conseillé de «quitter Budapest. C'est là, qu'intervient la chance d'etre Yougoslave plutôt qu'hongrois car j'avais la liberté de pouvoir quitter mon pays. Mon maître m'a dit d'aller à Paris où j'ai débarque il y a 5 ans avec mon bagage et deux adresses d'amis peintres. Je me suis présenté à divers cours de théâtre et mime, Decroux, Marceau, où j'ai recontré Thierry Bae qui danse aujourd'hui avec moi. Très vite, j'ai sélectioné les cours qui m'intéressaient; comme il y avait des salles disponibles, tous les

jours, je répétais mes propres pièces. J'ai commencé les premiers cours de danse avec Yves Casaţii, Lari Leong et des Japonais. J'ai été engagé dans les compagnies de Josiane Rivoire et Sidonie Rochon. Ensuite j'ai repris mes solos où je racontais des petites histoires sur la vie et les gens de mon village. L'impression la plus forte de ma vie artistique, c'est quand je retourne jouer dans mon village, devant ma famille et tous mes amis. Budapest et Paris Ensuite, j'ai dansé avec Mark Tompkins et François Verret avec qui on a fait la création pour le G.R.C.O.R à l'Opéra de Paris. Je continuais à travailler sur mon projet et à retourner régulièrement en Hongrie. H y a sans arrêt un va et vient entre la France et la Hongrie. Les vidéos sur la danse circulent beaucoup et les gens qui s'intéressent à la danse, travaillent à partir de ça depuis deux ans. Pour monter ce spectacle nous avons travaillé trois mois à Budapest parce que c'est plus facile pour moi. Je peux louer des studios et la vie est six fois moins cnère qu'ici. Comme j'ai emprunté de l'argent en France, j'ai pu travailler plus longtemps avec les danseurs. Le Canard Pékinois. Dans la langue hongroise, faire un canard c'est donner un mot pour un autre dans le discours, exprès ou pas. En Hongrie, on parle souvent comme ça, à cause de la censure, pour couvrir la vérité. Pékin c'est pour la réference à bailleurs. Au départ, je voulais faire une pièce sur le thème de la disparition et de la transformation, thème qui est donné dès le début avec la transformation de la chaise en valise. Pour la première scène, la séquence de la table, je voulais tout de suite imposer un rapport avec des objets, la table qui deviendra le lit de l'amour impossible, le nappe qui deviendra drap puis piège pour le loup, l'objet invisible qui circule sur la table, le miroir, la chaise dans le dos de l'homme, comme un prolongement du corps. Il y a aussi tout au long du spectacle un jeu de miroir imaginaire qui passe d'un personnage à l'autre comme un fil conducteur. Parfois, il se pose sur mon nez par exemple et ça m'embête, je ne le vois pas mais Gérard Gourdot le voit et ça nous aide pour la densité de certains moments. La pièce s'est bâtie autour de cette idée du reflet, reflet de soi dans le regard des autres, le loup par exemple apparaît