Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

L'« ÉGRILLARDE » EN FRANCE 73

cela les fortifierait et soutiendrait les qualités nécessaires pour faire les grandes choses. Voulez-vous savoir ce que le général Zoubof et moi faisions cet été au bruit des canons à Tsarskô-Sélo dans les heures de loisir ? Eh bien, voici notre secret livré : nous traduisions un tome de Plutarque en russe. Cela nous a rendus heureux et tranquilles au milieu du brouhaha; il lisait encore outre cela Polybe. »

N'était-ce pas chercher bien loin des modèles, quand le danger était si proche ? Mais Catherine n’était pas fàchée de poser devant l’Europe et de lui faire croire que le canon suédois ne la troublait pas dans sa retraite de Tsarskoë-Sélo. Après tout, nous connaissons trop l’activité de son esprit pour nous étonner outre mesure. Mais ce qui est moins sûr, c’est que Zoubof partageât sérieusement ces lectures. Je sais bien que Catherine écrivait à Grimm le 9 mai 1792 : « Le général Zoubof est laborieux, intègre, rempli de bonne volonté et d’une excellente tournure d'esprit; c’est un homme dont vous entendrez parler. » Maisil n’est aucun de ses favoris dont l’Impératrice n’ait fait les éloges les plus pompeux. Peut-être est-il plus sûr à cet égard de s'en rapporter à Langeron, qui connut Zoubof : « Zouhof était profondément ignorant, et d'une paresse au-dessus de son ignorance. Sa matinée se passait dans l’oisiveté la plus complète ; tantôt il polissonnait avec quelques favoris, tantôt il préludait sur son violon, tantôt il jouait avec son singe. Il ne lisait rien, ne répondait à rien et rien ne se faisait. » (1)

(1) Langeron. Mémoires inédits. Archives des Affaires étrangères. Mémoires el Documents, tome XX.