Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

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formellement. De plus, l'Autriche ne voulait pas sacrifier son or et son sang pour rendre à la France, — dont elle avait été et dont elle redeviendrait dès lors la rivale, — sa puissance et son prestige passés, sans recevoir des dédommagements suffisants. Comme le dit M. Albert Sorel dans son bel ouvrage l’Europe et la Révolution française, aux yeux des alliés le salut du roi de France n'était plus que l'accessoire ; la spoliation du royaume allait devenir le principal but, même l’unique objet. «Il n'y à qu’une chose à faire, avait dit Kaunitz, empècher les idées françaises de passer la frontière.et laisser la France se dégrader de plus en plus. » La mort subite de l'Empereur Léopold, survenue le 4e' mars 1792, vint modifier les dispositions de la coalition,

Mais pendant tous Ces pourparlers des alliés, Catherine avait perdu patience. Elle trouvait que la Prusse et l'Autriche la faisaient trop attendre. Elle avait senti qu'à Vienne et à Berlin, ses projets étaient percés à jour ; elle eut peur que Frédéric-Guillaume ne s’entendit avec l'Empereur pour l'arrèler en Pologne.Ne pouvant décider les deux souverains àselancersurleRhin, elle s'était résignée « à partager la proie, fautedepouvoir l’accaparer. » La veille mème du jour de la mort de Léopold, son vicechancelier Ostermann avait fait des insinuations à cet égard à M. de Goltz, ministre de Prusse à Pétersbourg. La Prusse parut prêter l'oreille à ces propositions. Entre l'Autriche, qui pour assurer ses derrières, lui proposait l'intégrité de la Pologne et la garantie de la constitution de 1791, et la Russie qui lui offrait un accroissement de territoire, la Prusse n'hésila pas. Elle écouta sans