Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

L'« ÉGRILLARDE » EN FRANCE 123

D'ailleurs, si Catherine porte sur la France les jugements les plus faux, elle démèle avec un discernement incomparable les fautes des défenseurs du trône et les bénéfices qu’elle peut retirer des évènements. Elle jugea constamment à rebours l'état de l'opinion en France, — elle la croyait favorable à la royauté, — mais elle avait des vues justes sur les dessous des opérations de la coalition. Le vrai se mêle au faux dans cette tête extraordinaire qui apprécie les évènements tantôt avec sa finesse de femme, tantôt avec sa passion et ses préjugés desouveraine autocrate, toujours avec un rare bon sens quand il y va de l'intérêt de son Empire et de sa gloire.

Chez elle, cependant, se rencontre une préoccupation désintéressée : celle de l'avenir de la littérature française. Bien que la littérature allemande ait désormais ses faveurs, elle ne peut renier les œuvres dont elle s’est nourrie, ni méconnaitre l’inflience du rayonnement des lettres françaises. Elle s'en explique plusieurs fois avec Grimm, et il est curieux de voir le mouve-

. ment de sa pensée et les craintes qu’elle éprouve. A ses yeux, « les procureurs et cordonniers » qui gouvernent la France vont anéantir les chefs-d'œuvre de notre littérature et immoler sur l'autel de la Patrie Île monument intellectuel de la France. «IL faudra, éerit-elle à Grimm le 23 juin 4790, faire jeter au feu tous les meilleurs auteurs français et tout ce qui a répandu leur langue en Europe, car tout cela dépose contre l’abominable grabuge qu'ils font. » pt le 42 septembre 1790: « Qu'est-ce que les Français feront de leurs meilleurs auteurs, qui tous