Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

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presque vivaient sous Louis XIV? Voltaire mème, tous sont royalistes, ils prèchent tous l’ordre et la tranquillité et tout ce qui est opposé au système de l'hydre aux 1200 têtes. Les jetteront-ils au feu ? S'ils ne feront pas cela, on y puisera des maximes contraires à leur système, s'ils en ont. »

Grimm ne la tire pas d’embarras ; il augmente ses craintes, au contraire : « Il n’y a pas jusqu'à la langue que cette frénésie ne corrompe avec une rapidité alarmante, de sorte que la langue des Racine et des Voltaire aura incessamment un air étranger. (1) » Aussi le 29 avril 1791, elle reprend : « Je voudrais bien savoir ce que les Français feront de leurs meilleurs auteurs : feront-ils brûler leurs pièces et leurs ouvrages en place de Grève, car tout cela ne va plus aux bêtises qu'ils font; Rousseau les a mis à quatre pattes. » Dès 1789, rappelant l'éclat du pouvoir royal sous Louis XIV, elle s’était écriée : « Que diraient Boileau et son grand roi étant ressuseités à Paris dans ce moment ? »

Mais bientôt les préoccupations littéraires durent céder le pas aux préoccupations politiques. La gravité des évènements l’exigeait. La mort de Falconet n'attire pas son attention. Il en est de même de celle de Rulhière. Rulhière n’a plus pour elle qu'un intérêt rétrospectif. Par contre, elle a un mot de regret pour de Montmorin qui naguère encore a soutenu seul dans les conseils du gouvernement l’idée d’une entente de la France et de la Russie. Elle n’en aura aucun pour Necker

(1) Lettre de Grimm à Catherine du 20 décembre 1790,