Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

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contrariété qu’elle en ressentit ; « mais elle était trop bonne comédienne, ajoute-t-il, pour le faire paraitre dans le public. »

Comme elle était décidée à ne pas se rendre aux invites et arguments que le comte d'Artois ferait valoir pour la cause du trône de France, elle s’ingénia à combattre le mauvais effet de ses refus en cherchant à l’éblouir. Elle lui prodigua les compliments et même les attentions les plus délicates. Le comte d'Artois fut reçu à Pétersbourg avec les plus grands honneurs. « La recherche, dit Langeron, fut portée à un point qui étonna les Russes et les étrangers. Rien ne fut omis de tout ce qui pouvait contribuer à satisfaire son amour-propre et à lui faire oublier ses malheurs. Il eut été difficile d’avoir plus d'esprit que Catherine, On ne pouvait avoir plus de tact et plus de grâce qu’elle quandelle le voulait,et dans celte occasion elle le voulut. » Elle ne s'en cache pas, d’ailleurs. Elle déclare à Grimm qu’elle a traité le comte d'Artois, « comme ilconvient à un fils de France,» et que sa conduite « a été vis-à-vis de lui franche et loyale. »

Ce qu’eût été à toutautre moment l'attitude du comte d'Artois, la légèreté de son caractère nous permet de le deviner. Mais au lendemain de la mort de Louis XVI, le frère du roi pouvait-il montrer autre chose qu’une vive afliction? Langeron, dont les sympathies pour l'Émigration doivent nous mettre en garde contre ses assertions, prétend que la conduite du comte d'Artois à Pétersbourg « fut admirable. Simple, décent, modeste, profondément et sincèrement aflligé, sans jactance et sans affectation, montrant dans sa conversation un es-