Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

L’« ÉGRILLARDE » EN FRANCE 145

prit froid et sage, il renversa toutes les idées qu'onavait en Russie de sa légèreté et de ses habitudes de jeunesse, et inspira le plus vif et le plus respectueux intérêt. »

Il produisit sur Catherine un effet assez analogue, ou du moins elle eut l’habileté de le laisser croire. Le contraire serait pour nous surprendre, car si l Impératrice avait à ce moment subi celte visite avec quelque contrainte, elle n’oubliait pas son ancienne invitation, et le comte d'Artois élait à ses yeux celui qu’elle aurait voulu voir sous les traits d’un héros à la Henri 1V.

Du reste, le frère de Louis XVI pouvait -il à cette heure ne pas être reçu avec déférence dans toute cour royale? Il est vrai que ceux qui accompagnaient le comte d’Artois ne furent pasjugés avec la même faveur. La cour de Russie trouva « l'air et le propos trop grenadier » à l’évêque d'Arras auquel le comte d'Artois avait altribué les fonctions in partibus de premier ministre. Mgr de Conzié, évêque d'Arras, ne manquait pas d’une certaine habileté, mais « friand d’intrigues politiques, » il aimait à y jouer un rôle. La Russie, accoutumée à voir ses prélats se tenir loin des plaisirs galants, et se consacrer aux devoirs de leur charge, trouva étrange qu'un prélat français conférât avec celui qui était à la fois l'amant en titre et en fonctions et le premier ministre de l'Impératrice. Le comte d'Escars laissa trop voir que la table impériale était peu de son goût, et le chevalier de Roll fut également jugé avec sévérité.

Les égards ne manquèrent pas cependant aux uns et aux autres, et le comte d'Artois ne souffrit pas de la sévérité dont ses compagnons furent l’objet. Il y a lieu,