Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

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un jeu de sa politique de les encourager, de les encenser ef de les aider. de son argent et de ses conseils : mais si l'engouement qu’elle avait eu jadis pour les philosophes fut plus d’une fois factice, celui qu’elle eut sur le tard pour les têtes émigrées fut feint plus encore, car il servait bien autrement les desseins de sa politique.

Mais pour en revenir au voyage du comte d'Artois à Pétersbourg, Catherine éprouva-t-elle quelque déception sur son compte quand elle s’'entretint avec lui ? C'est peu probable, car elle l'avait précédemment jugé à travers la naïveté de ses manifestes et l'impuissance de ses plans. À la façon dont elle insiste auprès de lui pour que les Princes et les Émigrés sortent de leur inaction et donnent la mesure de leur valeur, il est visible qu’elle ne se faisait plus d'illusions : « Songez, lui dit-elle, qu'à la fin de l’année ou vous ne devez plus vivre, ou vous devez vivre glorieusement pour votre patrie et le rétablissement de votre maison. » Et quand, au moment de son départ de Pétersbourg, elle lui remit solennellement, une épée, au milieu de sa cour : « Je ne vous la donnerais pas si je n'étais persuadée que vous périrez plutôt que de différer à vous en servir. » L'épée de la Tsarine ne sortit jamais du fourreau. Elle prit un tout autre chemin, et que Catherine n'avait pas prévu : le comte d'Artois la remit plus tard à un usurier.

Une égoïste inaction fut done le dernier mot de l'Émigration. Comme bien l’on pense, nila mort de Louis XVI ni la visite du comte d'Artois ne changèrent rien aux disposi-