Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

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qu'il était le représentant du comte d'Artois (1). La Tsarine voit partout des émissaires ou des amis des Jacobins, et la consigne est de se défier de tous les Français. Quand on sait quelle est en Russie la puissance d’un mot et même d'un signe du souverain, on se Convainera que Catherine n’exagère pas quand elle écrit à Grimm le 12 février 1794: « On ne loue pas les Français chez nous, et jamais je n'ai vu détester plus cordialement qu'on ne les déteste. »

Nous savons, en effet, que dès le début de la Révolution, la noblesse russe n'avait pensé rien qui vaille du mouvement émancipateur qui allait ensanglanter la France et ébranler les vieilles assises de l’Europe. Si Catherine n’entrevit jamais la portée et les conséquences de la Révolution française, la noblesse russe les entrevit moins encore. Mais l’une et l’autre montrèrent une égale violence à condamner les idées nouvelles.

C'est le même comte Rostoptchine qui en 1795 écrira de Pétersbourg : « Il y a peu d’honnètes gens ici, » qui en 1792 dira des Français : « Je m'étonne comment ces gens peuvent inspirer un intérêt réel. Je ne leur en aurais jamais accordé d’autre que celui qu’on a à la représentation d’une pièce touchante ; car cette nation n'existe que par la comédie et pour la comédie. » (2) Et

(1) Voir l'ouvrage de M. Léonce Pingaud: Les Français en Russie et les Russes en France, pages 187 à 201. Nul n'a parlé avec plus de compétence et de détails du rôle que les Émigrés jouèrent à la cour de Catherine et sur les champs de bataille de Russie.

(2) Lettre de Rostoptchine à Semen Voronzof, du 28 septembre 1792, archives Voronzof, tome VIIT,