Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

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dant il prévit mal la Révolution française et la comprit plus mal encore.

C’est qu'il nourrissait pour la France une haine et un mépris dont on s'explique mal la cause. Ou plutôt on ne se l'explique que trop : Catherine ayant dans les premières années de son règne accordé ses faveurs à la langue de Voltaire et développé en Russie le goût de la littérature française, Semen Voronzof voulut sans doute prendre une attitude opposée ; de plus dans sa carrière de diplomate, Voronzof avait trouvé presque constamment en face de lui le représentant de la France en hostilité avec les intérêts de la Russie. Aussi quand on lui offrit l'ambassade de Paris ou celle de Londres, choisit il sans hésitation cette dernière, parce qu'il estimait que l’Angleterre devait être l'alliée de son pays. La France, au contraire, ne pouvait jamais devenir, à son avis, l'amie de la Russie qui combattait tous les jours ses alliées séculaires, la Suède, la Turquie et la Pologne, et avait déjà amoindri leur puissance.

Le jugement de ce gentilhomme russe à notre égard ne peut donc être que suspect. Ce n’est pas seulement la Révolution, en effet, qu’il comprend dans ses invectives ; ce sont tous les Français, les Émigrés comme les jacobins, et il n’a jamais pour la France humiliée ou victorieuse le moindre sentiment de sympathie ou de générosité. Il critique même les Russes qui font apprendre le français à leurs enfants. Son attitude contre notre pays est une attitude d’hostilité non dissimulée.

Est-ce à dire que tous les Russes nourrissaient pour la France et pour la Révolution la mème haine et le même