Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

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fameuses dont la prise de la Bastille ouvrit l’ère, ou même à partir de la réunion des Etats-Généraux, que Semen Voronzof s'efforça de jeter sur nous la défaveur ; il commença bien auparavant, à un moment où la propagande des idées philosophiques ne menaçait pas encore les fondements de la vieille société. Dès 4784, il nous témoigne une antipathie non dissimulée, et il va si loin, dans ses écarts de langage, qu’en 1787, à un moment où Ségur représente la cour de Versailles à St-Pétersbourg et a gagné l’Impératrice à un rapprochement avec la France, son frère Alexandre Voronzof, sent la nécessité de le calmer et de lui conseiller plus de modération. Mais la haine de Semen Voronzof contre la France était trop enracinée pour qu’il écoutât les conseils de la prudence ; la nation française reste pour lui « labominable nation française, » etil dira : « Les Français ne sont pas plus mürs pour la liberté que les nègres d'Amérique. »

Il faut reconnaitre, cependant, qu’à côté de jugements excessifs et ridicules, il formule parfois sur la Révolution quelques opinions justes. Dès 1788 il remarque que « la Révolution est faite dans les esprits français, » Nous avons vu que Catherine n’eut jamais conscience de cet état d'âme de la France. Plus tard, quand, à en croire l’Impératrice, la France est dégoûtée du régime révolutionnaire et réclame le retour des Bourbons, Voronzof, mieux renseigné, fait remarquer que les neuf-dixièmes de la nation sont pour les Jacobins : et il s'écrie : « La phrase magique de la constitution, le peuple esi souverain, a tourné la tête à toute la nation.» Et tandis que Catherine range l'esprit d'égalité parmi