Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

L’« ÉGRILLARDE » EN FRANCE 163

les inepties qu'a engendrées la Révolution, Voronzof, plus elairvoyant, reconnaît que la France est troublée jusqu’à la moëlle par cette fièvre d'égalité,

Ilporteégalementsurl'Émigration, pour laquelle il n’a pas plus de sympathies que pour la Révolution, des jugements indépendants, exacts et sévères ; jugement indépendant, puisqu'il avait connaissance de toutes les faveurs dont sa souveraine honorait les « gueux errants » de Coblentz ; jugement exact, quand il avoue que l’opposition des Émigrés, leurs maladresses et leurs bravades furent pour beaucoup dans les excès de la Révolution ; jugement sévère quand il écrit : « Les Émigrés sont aussi corrompus et làches que le reste de cette nation infâme dont ils sont à présent les victimes ; ils ne s'occupent que de luxe et de vanité, »

Il n’était pas inutile de faire ressortir que si le sentiment de Voronzof se rencontre avec celui de Catherine sur bien des points de l'épopée révolutionnaire, il en est d’autres, sur lesquels ambassadeur, mieux informé, marque une opinion bien tranchée de celle de sa souveraine. Nous avons dit, d’ailleurs, que Catherine savait à quoi s’en tenir sur la valeur et le rôle des Émigrés. Pense-t-elle, au fond, bien différemment de Voronzof, quand celui-ci déclare que le comte d'Artois, «d’un caractère très léger, n’a aucune énergie dans l'âme, » et que « ses enfants ne promettent rien? » Il ajoute : « Aueun deces Princes ne rétablira jamais la France. » Catherine pensa de même, et si avant d’en faire l’aveu elle encense tant les Princes et les encourage à persévérer dans leurs vaines revendications, c'est qu'elle y trouve des satisfactions pour la politique de son Empire.