Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

166 CATHERINE II ET LA RÉVOLUTION

Le soir, M. Gourowski me reprocha ma vivacité ; je lui reprochai sa bassesse. Il me répondit: «Il faut vivre. » C'était le cas de lui répondre comme M. d'Argenson, ministre de la police à Paris, répondit un jour à l'abbé Desfontaines, qui lui disait la mème chose: «Je n’en vois pas la nécessité. »

Il a été rapporté que Langeron dut quitter le soir même le quartier général ; Langeron nous dit qu'il y resta encore 15 jours, et qu'après avoir obtenu son passeport, il alla prendre congé de Patiomkine, qui le reçut avec froideur, mais avec politesse, et il ajoute : « Si le prinee Potemkin eut vécu, je ne serais jamais retourné en Russie sous le règne de Catherine IL. »

Voilà comment, sous la Révolution, nos compatriotes étaient reçus en Russie, et comment étaient reconnus leurs services parfois éminents. |

En résumé, la société russe, après avoir été, pendant quelques années, à la suite de son Impératrice, engouée de notre littérature, de nos idées et de nos mœurs, dont elle n'avait saisi, il est vrai, que les côté factices, se tourna contre nous dès que la philosophie se fit révolutionnaire, et elle engloba dans une même haine les philosophes et les écrivains, la Révolution et la France ellemême. Les Russes ne firent exception que pourles Emigrés, ou plutôt pour quelques émigrés. « Quant à la masse de la nation russe, » elle était trop peu consciente d'elle-mème pour pouvoir saisir les idées qui s’agitaient en Occident, et « elle demeura parfaitement indifférente » au mouvement révolutionnaire (1).

(1) M. Albert Sorel.