Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

168 CATHERINE II ET LA RÉVOLUTION

me parlez, s'ils avaient pu faire corps en France, ils seraient bien mieux que partout ailleurs, et voilà pourquoi il y à deux ans que je prèchais aux princes de la maison de Bourbon de se saisir, comme ils pourraient, de se saisir, dis-je, de la première bicoque qui tomberait sous leurs mains, parce que celte bicoque aurait servi de noyau, mais eux à Coblence visaient à Strasbourg ; or, ce morceau était trop gros pour leurs forces, et d’ailleurs ne valait rien : aussi ne l’ont-ils pas eu. » (1)

On pense bien qu’en 1794 Catherine n’espère plus grand chose des Émigré:. A cette heure, la France républicaine est victorieuse sur toutelaligne.L’arméedeCondé, à laquelle Catherine a sérieusement offert de fouder une colonie sur les bords de la mer d'Azov, n’est plus qu’un état-major d'officiers sans soldats, sans discipline et sans autorité. L'Impératrice ne peut pas le dissimuler; par moments, cependant, elle atténue la situation désespérée de ces derniers combattants, mais quand iln’y a plus moyen de cacher leur échec complet, elle en revient à ses habituelles récriminations sur le passé.

Le8 avrili795, parexemple, ellecondamne de nouveau le « conseil de Coblence » qui aurait dù employer « l'énorme somme qu'on lui avait donnée et dont il disposait, » à mettre sur pied 10,000 Français avec lesquels il se fut emparé, «les princes à la tête, de la première bicoque prenable. » Etelle ajoute: « Il aurait fait noyau en France, surtout dans un temps où les scélérats n’avaient pas une compagnie comme il faut sur pied. Mais

(1) Lettre à Grimm du 3 avril1794.