Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

L'« ÉGRILLARDE » EN FRANCE 193

redoutant toujours qu'elles ne fussent dans quelque mesure « infectées du veninrévolutionnaire.» Elle s’attacha donc às’écarter de tout contact révolutionnaire. À cet égard, cependant, elle commit une inconséquence singulière. Tandis qu’elle envoyait en Sibérie son bibliothécaire Du Pujet, et Sibourg, le précepteur desgrandes duchesses, elle garda La Harpe auprès d'elle jusqu’en 4795, allant jusqu’à affecter de le défendre contre ses adversaires. L’exception qu’elle fit pour La Harpe est trop frappante et trop à sa louange pour ne pas être signalée. La Harpe, qu’elle avait pris pour précepteur de ses petits-enfants Alexandreet Constantin, était Suisse et imbu des idées philosophiques. I ne se cachait pas pour donner son approbation aux conceptions nouvelles. Catherine avait fait choix de lui à un moment où elle se trouvait encore sous l'influence de l'esprit libéral. Elle avait pensé, — et en cela elle avait vu juste, — que confier l'éducation de ses petits-enfants à un disciple des philosophes passerait pour un acte de hardiesse et d'indépendance que l'Europe libérale soulignerait de son approbation ; et noussavons qu'elle n’était pas indifférente à ces louanges. Tandis que quelques lecteurs de Diderot et de Rousseau avaient reculé devant l'application de leurs doctrines, la majorité n’avait pas craint d'identifier la cause de la Révolution politique et sociale avec celle de la philosophie. La Harpe était de ces derniers. Il eut été logique que pendant la cerise révolutionnaire, Catherine se débarrassât d'un homme qui par