Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

194 CATHERINE II ET LA RÉVOLUTION

son instruction et ses convictions appartenait si peu à l'Ancien régime, et s’associait si mal à ses idées personnelles. Il n’en fut rien. Catherine garda La Harpe auprès delle et de ses petits-enfants. Il continua à jouer à la cour de Russie, et sous les yeux de l’Impératrice, un rôle important ; et les évènements de France ne l’empèchèrent pas de donner un enseignement libéral à ses élèves. Appelé à coudoyer tous les jours ceux des émigrés qui approchaient l’Impératrice, il n’en continua pas moins à préparer pour le trône le prince qui devait plus tard tendre la main à Napoléon, c’est-à-dire au monde nouveau, et se faire ensuite le promoteur de la sainte alliance et être le porte-drapeau de la réaction.

On conçoit difficilement que La Harpe ait réussi à se maintenir dans cette situation équivoque et à conserver les bonnes grâces de l’Impératrice. Mais Catherine s'était attachée à lui ; comme elle le savait incapable de prêter la main à un acte quelconque de rébellion, elle n'admit pas qu’il püt être dangereux, et elle se plut à le garder, se bornant à le plaisanter et à l'appeler familièrement « Monsieur le Jacobin. »

Les Émigrés firent tout ce qu'ils purent pour sedébarrasser de lui. Esterhazy et le prince de Nassau le haïssaient et étaient particulièrement mécontents de le voir occuper un tel poste de confiance. C’est à lui que les Princes et les Émigrés s’en prirent de ce que l'Impératrice ne leur prèêtait pas un concours actif. Ils intervinrent auprès de la souveraine pour qu'elle se séparât d’un homme qui, à leur avis, compromettait leur cause ; ils s’adressèrent à l'ambassadeur de Russie à Coblentz,