Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

L' « ÉGRILLARDE » EN FRANCE 195

le comte Roumiantsof, et au Prince de Wurtemberg. Mais leurs efforts se brisèrent devant la résistance de la Tsarine. Catherine répondit sur un ton ironique, et La Harpe se disculpa dans un mémoire où, avec sa sincérité habituelle, loin de dissimuler ses idées libérales, il en fit parade.

Bien des anecdotes ont circulé, qui montrent le prix que l’Impératriceattachait aux leçons de La Harpe, et la confiance qn'elle avait en lui. Un jour, à la cour, quelques émigrés s'étant, suivant leur coutume, répandus en louanges sur l'Ancien régime en France, le jeune grand-due Constantin, qui n’avait que {4ans, impatienté, leur répondit que ce qu’ils anonçaient sur l’état des choses en France avant la Révolution était absolument faux. Les émigrés, troublés par l'assurance du jeune homme qui faisait le procès des anciens privilèges, lui demandèrent de qui il tenait de semblables idées. Constantin répondit qu’il les avait apprises de La Harpe. L’Impératrice, qui était là, applaudit son petit-fils (4).

Nous savons d'autre part, et notamment par le prince Adam Czartoryski, que le jeune grand-duc Alexandre, dont il était devenu l’ami et le confident, avait été impressionné bien plus encore que son frère cadet par les

(1) Genet écrivait de Pétershourg à M.de Montmorin,en 1791, que le grand-due Constantin «était un ardent démocrate.» Sans aller jusque là, on peut affirmer qu'à ce moment les doctrines républicaines ne faisaient pas peur au jeune grand-duc : les intrigues des Émigrés à la cour de Russie lui répugnaient et étaient sûrement pour quelque chose dans les sentiments qu'il manifestait.