Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

L'« ÉGRILLARDE » EN FRANCE 201

L’ardente et maladive imagination de Rostoptchine nous rend son jugement suspect. Quel était ce Lapoukhine, qui, de l'avis de Rostoptchine aurait été désigné pour égorger l'Impératrice ? Personne en Russie ne souhaite plus que lui le succès des armées russes. C'est lui qui, en 1790, écrira à Koutousof : « Tout va bien, et nous vivons forttranquilles, grâce au règne de Catherine IT; » et un autre jour : « Je passe pour un Martiniste, bien que je ne sache pas et n'imagine pas ce que c’est que le Martinisme. Jene suis pas né avide et je consentirais volontiers à ne pas posséder un seul serf ; mais, avant tout, je désire et je demande à Dieu qu'il préserve notre patrie de cet esprit de fausse liberté qui ruine tant d'Etats en Europe et qui, à mon avis, est partout pernieieux. » Et Lapoukhine n’est pas le seul à désavouer la Révolution française, à un moment où elle n’a encore fait couler aucune goutte de sang, à un moment où elle s’est contentée d’émanciper l'individu et de jeter les bases du régime moderne. Il n’est donc pas admissible que ces hommes fussent les complices et les amis de l’œuvre révolutionnaire. Loin d'être des révolutionnaires, ils forment des vœux pour leur souveraine ; ils s’attaquent aux abus du règne et souhaitent la fin des scandales ; ils sont tout bonnement des libéraux amis des réformes philanthropiques et sociales.

On ne saurait leur faire un reproche d’avoir voulu combattre les abus et régénérer les mœurs russes. On sait combien dans les dernières années du règne de Catherine, grâce à un relâchement de travail et à quelques

défaillances de volonté de la souveraine, les scandales 44