Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

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d'autres, qui prouvent à quel point cependant, elle redoutait que l'esprit révolutionnaire ne fit des progrès dans son Empire. C'est l'exil de Radichtehef, et la saisie d’une pièce posthume de Kniajnine, Vadim à Novgorod.

Alexandre Radichtehef était un jeune seigneur, intelligent et laborieux qui occupait un emploi dans l’administration des douanes et s'était signalé à Alexandre Voronzof, ministre du commerce, non seulement par quelques ouvrages philosophiques de valeur, mais encore par la conduite régulière et intègre de sa vie retirée et sans éclat. Alexandre Voronzof s'intéressait à lui. Radichtehef avait présenté en 1785 à la censure un ouvrage intitulé : Voyage de Saint-Petersbourg à Moscou. La censure trompée par ce titre peu sensationnel qui ne la mettait pas en garde, approuva le livre sans le lire.

Si Radichtchef avait publié son voyage en 1785, ilest probable que Catherine, qui, nous l’avons vu, s'était élevée contre le servage, au point de songer à son abolition, n’eut rien dit des idées qu’il contenait, et qui ressemblaient si fort à celles qu'elle avaitsi souventexprimées. Mais Radichtchef ne fit paraître son ouvrage qu'en 1790. Il était en retard de 5 ans. De 1785 à 1790 la pensée de Catherine s'était complètement modifiée. Un livre où l’auteur osait dire qu’il n’y avait pas de liberté en Russie puisque 40 millions d'hommes s’y trouvaient les esclaves de 300,000, et où se rencontrait cette phrase : « Ce n’est pas de la sagesse des propriétaires, qu’il faut attendre la liberté, mais de l’excès mème de l’asservissement, » — phrase qui semblait faire appel