Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

L'« ÉGRILLARDE » EN FRANCE 209

à l'insurrection, — ne pouvait pas en 1790 passer impuni aux yeux de Catherine. Alexandre Voronzof, qui portait de l'intérêt à Radichtchef, fut obligé de reconnaître qu'un tel ouvrage « sonnait le tocsin de la Révolution. »

L'opinion de l'Impératrice que nous trouvons dans la lettre qu’elle écrivit à Bruce, gouverneur de Saint-Pétersbourg, pour l'informer des mesures à prendre, nous montre à quel point ses vues s'étaient transformées. Aurait-elle osé écrire quelques années auparavant? « C'est unlivre plein des imaginationsles plus nuisibles,subversif de la paix publique, destructif du respect dù à l’autorité, visant à soulever le peuple contre les fonctionnaires et le gouvernement, enfin plein d'expressions outrageantes contre le pouvoir suprême. »

En 1790, la souveraine qui a écrit l’Anstruclion pour le Code a déjà une telle épouvante de la Révolution naissante, qu’elle ne songe qu’à étouffer tout germe d’indépendance, tout écrit qui fait appel aux idées de liberté, Radichtchef qui quelques années auparavant aurait été félicité pour avoir mis à nu les abus existants, fut dépouillé de ses biens et condamné à mort par la chancellerie secrète et au knout par le Sénat. La paix conclue avec Gustave IIT de Suède lui valut une commutation de peine; il fut envoyé pour dix ans en Sibérie, à Irkoutsk; la générosité d'Alexandre Voronzof apporta quelques légers adoucissements à son malheureux sort.

On voit donc qu'à partir de 1790 Catherine ne veut plus croire qu'il puisse exister des abus dans son Empire, ou plutôt elle les couvre de son autorité, et en les cachant