Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

218 CATHERINE II ET LA RÉVOLUTION

tion lui inspira, et en certains points la fâcheuse influence qu'elle eut sur les destinées de la Russie ?

Si l’on cherchait les causes du pénible revirement qui se fit dans cette âme précédemment ouverte aux doctrines les plus larges, il y faudrait voir peut-être l’expérience du pouvoir, qui apprit à Catherine que la moparchie n’est guère compatible avec les idées de liberté, et ne peut résister aux courants populaires sans de solides principes d'autorité, et dans les moments de crise, sans l’arbitraire. Il y faudrait voir aussi peut-être le ralentissement normal de cet esprit supérieur, qui après un labeur immense subit une lassitude inévitable, conséquence du poids des années. C’est l'avis de Langeron : « Lorsque l’Impératrice, nous dit-il dans ses Mémoires, eut atteint l’âge de 60 ans, et qu'on vit qu'à l’affaiblissement de sa santé, se joignaient celui de son esprit, l'ennui du travail, la satiété des jouissances, et peut être plus que tout, les remords du passé et la terreur de l'avenir, lorsqu'on vit que non seulement il était facile de lui dérober la connaissance de tout ce qu’on se permettait de plus coupable ; mais encore qu’elle n’avait plus la force ni la volonté de réprimer les horribles injustices qui pouvaient encore parvenir à sa Connaissance, on ne connut plus aucun frein, on ne redoula plus aucun danger, et l’intérieur de la Russie offrit le spectacle triste et affligeant des spoliations les plus choquantes.des vols les plus manifestes, des déprédations ies plus criantes, et d’une scandaleuse cascade d'abus de pouvoir, d'oppressions et de tyrannies, qui descendait du ministre et du gouverneur général jusqu’au dernier des employés. »