Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

L'« ÉGRILLARDE » EN FRANCE 219

A mesure done que s’affaiblit le ressort de sa volonté, Catherine, qui sentait davantage la nécessité d’un pouvoir fort, eut recours, pour suppléer à son manque d'énergie et d'égalité de earactère,à l'arbitraire: elle laissa de la sorte se déchainer les appétits de ses dignitaires et fonctionnaires grands et petits. Ainsi s'explique sans doute l'indifférence avec laquelle les soldats, les officiers et le peuple russe, qui avaient été si fiers de leur grande souveraine reçurent la nouvelle de sa mort. Langeron nous dit qu'ils ne firent paraitre ni douleurs, ni regrets. (1)

Mais dans le revirement de la politique de l'Impératrice, il faut voir surtout la frayeur qu'elle conçut des événements qui se déroulaient en France. Catherine Il eut réellement peur de l’extension en Europe des idées révolutionnaires, et à un certain moment de leur entrée dans son Empire.

La Révolution française eut done de l'écho à St-Pétersbourg, et j'ajoute un fàächeux écho, puisque le régime de rigueurs qu'elle amena, et dans lequel les successeurs de Catherine persévérèrent jusqu’à la guerre de Crimée, arrèta pendant plus d'un demi-siècle le développement de la pensée russe pour lequel la grande Impératrice s'était d'abord tant dépensée.

L'attitude de Catherine pendant la Révolution fran-

(1) Le prince Adam Czartoryski, comme patriote Polonais, u'avait pas eu à selouer de Catherine Il; aussi ne la ménage-til guère dans ses Wémotres. Il nous dit cependant qu'elle avait su conquérir dans tout le pays, et en particulier à St-Pétersbourg, « Ja vénération et même l'amour de ses serviteurs et sujets. »