Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

PRÉFACE Ift

elle, ils n'auraient pas conquis aussi facilement ni Mayence, ni Bruxelles, ni Milan.

Voilà les faits dans leur paradoxale complication. Il reste à les expliquer, et c’est une des tâches que s’est proposé M. Ch. de Larivière dans le livre qu’il me charge de présenter au public et qui ne perdrait rien à se présenter tout seul. La tâche n'était pas facile, car les déclarations de Catherine II trompent : ses manifestes trompent ; sa correspondance, une apparence la plus abandonnée, trompe. À personne la parole et la plume n'ont été données pour déguiser à ce point sa pensée; ce n’est pas à ce qu’elle dit, même dans l'intimité, qu’il faut porter surtout attention : c’est à ce qu'elle ne dit pas.

Plus elle affecte de zèle pour la « cause sacrée » des rois, plus haut elle pousse le eri de guerre contre « l'impie Révolution », moins elle est disposée à soutenir ceuxlà contre celle-ci. À peine si, une ou deux fois, dans les confidences les plus secrètes, dans un mot à Khrapovitski, dans une instruction à Roumiantsof, la vérité lui échappe. A l’un elle dit: « Je me casse la tête pour engager les cours de Vienne et de Berlin dans les affaires de France. pour avoir les coudées franches ». À l'autre elle écrit : « Mon poste est pris et mon rôle assigné : je me charge de veiller sur les Turcs, les Polonais et la Suède. » Elle stimule l'enthousiasme chevaleresque du roi de P:usse,l’ardeur de l'empereur autrichien pour une lutte où la vie d’une archiduchesse est en jeu; elle lie partie avec l’aventureux Gustave III de Suède, le même qu’elle avait tourné en ridicule dans