Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

L'« ÉGRILLARDE » EN FRANCE 49

leurs, je m’occuperai de l’ouvrage de Diderot. » Elle s’en occupa, en effet, et même l'annota.

Sa foi philosophique commence à être entamée, cependant, quand elle écrit que «les philosophes déraisonnent comme les autres hommes.» (1) C’est également en 1776 qu’elle dira à Grimm: « Quoi qu'il en soit, ce ne sont pas les économistes qui me guideront. » Nous som mes, ilest vrai, à un moment où la réputation de Catherine en Europe est désormais solidement établie, et où l'appui des philosophes ne lui est plus nécessaire ; avec l’avènement de Louis XVI les encyclopédistes ont perdu l’auréole et l'influence que leur donnait l’opposition du pouvoir. Catherine arrive ainsi peu à peu à se passer d’eux et à s’en dégoüter. Le 23 novembre 1785 elle écrira à Grimm, à propos des observations que Diderot a faites sur son /nstruction pour le Code : « Cette pièce est un vrai babil dans lequel on ne trouve ni connaissance de choses, ni prudence, ni prévoyance ; si mon Instruction avait été du goût de Diderot, elle aurait été propre à mettre toutes les choses sens dessusdessous. »

Ne soyons pas surpris de ce revirement. En 1785 Catherine a dit adieu aux rêves des philosophes. Son esprit pratique a démèlé le réalisable de ce qui ne l’est pas. Elle s’est accoutumée à l’absolutisme de son pouvoir, et elle est désormais décidée à faire ce que lui diete son métier de souveraine autocrate.

D'ailleurs la plupart des philosophes ont disparu ;

(1) Lettre à Grimm du 18 août 1776.