Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

L' « ÉGRILLARDE » EN FRANCE 53

Les idées nouvelles del'Impératrice se dessinent donc graduellement. Bientôt elle en arrivera à désavouer notre xvine siècle, qu’elle à si fort encensé, et elle ira tout droit à la littérature allemande pour laquelle elle nourrissait il y a quelques années le plus profond mépris.

Dès 1778 le comte Tehernichef lui a écrit de France que lagitation de la société française n’a d'égale que sa légèreté d'esprit, et qu'une explosion terrible peut se produire d’un moment à l’autre. À ce moment l'Impératrice n’a aucune crainte de voir cette explosion prochaine. Mais elle n’a jamais été insensible aux nouvelles de Paris, et au fur et à mesure que les évènements se corsent, elle leur prête une attention de plus en plus soutenue. Quand s’est déroulée à Paris l'affaire du collier, elle s’est fait envoyer tous les renseignements possibles. À tout propos elle s'élève contre la frivolité dela société française : « celui qui rit le dernier rit le mieux, » dira-t-elle à propos de Marie-Antoinette et de la légèreté de mœurs dont celle-ci donne le fâcheux exemple ; etelle se moquera de la versatilité de notre caractère.

Est-ce à dire qu’à ces signes avant-coureurs elle prévit l'orage qui allait éclater ?

L'Europe, travaillée par la philosophie, éprise elle aussi de réformes, — c’est surtout en Allemagne et en Italie que l'influence de Rousseau s'était fait sentir ,avait prévu la chute prochaine du vieux monde et le règne de la souveraineté populaire. Dès 1782 Forster s'était écrié : « L'Europe me parait à la veille d'une terrible révolution. » Et dans l'Europe civilisée les esprits