Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

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des « lumières, » en effet, exige un monarque qui fortifie son autorité dans un gouvernement réparateur (1).

Aussi, après avoir mis la France à la tête des nations civilisées, Catherine n’attend pas que les « Jacobins » et les «régicides » soient au pouvoir pour lui donner la dernière place. C'est qu’elle la juge en quelque sorte à travers la Russie. La Russie ignore ce que c’est que la bourgeoisie et le Tiers-Etat. «+ Entre le moujik, d'une part, et le gentilhomme, de l’autre, il-n’y avait rien.» (2) L’'Impératrice ne s'aperçoit pas qu’en France il y a autre chose que la noblesse, et que cette autre chose c’est la nation, toute la nation. Le sens de la Révolution lui échappe.

Elle ne fera aucune différence entre l’Assemblée constituante, l’Assemblée législative et la Convention. Elle n'en fera aucune entre la Terreur et un pouvoir constitutionnel. À celui-ci elle lance ses foudres : « Je ne peux pas souffrir les constitutionnels, parce que ce sont eux qui sont accouchés de tous les maux présents et futurs. » (3)

Il est certain que nous ne nous représentons pas plus Catherine II que Frédéric le Grand à la tête d’un Etat constitutionnel. Elle n’était pas d'humeur à se prêter aux exigences et aux fantaisies d’un pouvoir législatif

4) M. Albert Sorel, dans le premier volume de son ouvrage : L'Europe et la Révolution française, a fait admirablement ressortir le caractère de ce que les philosophes entendaient par « le despotisme éclairé » d'un gouvernement « juste » et « humain, »

@) M. Alfred Rambaud.

(3) Lettre à Grimm du 8 décembre 1793.