Charles de Butré 1724-1805 : un physiocrate tourangeau en Alsace et dans le margraviat de Bade : d'après ses papiers inedits avec de nombreux extraits de sa correspondence...

VII

Butré cependant n’avait pas retrouvé dans ses plantations d’Ettlingen le calme et la santé dont il avait espéré y jouir. Soit que la solitude dans laquelle il vivait lui pesât, soit qu’un hiver, passé au pied de la Forêt-Noire au lieu de l’être sur les bords de la Méditerrannée, eût réellement détraqué ses nerfs et assombri son humeur, il quitta vers la fin de l'automne 1788 le pays de Bade, avec l’intention secrète de n’y pas rentrer de si tôt, comme nous le verrons tout à l'heure. Depuis le mois de novembre il se tenait enfermé, souffreteux et morose, dans son appartement de la rue des Bestiaux, à Strasbourg, quand le marquis lui adressa la lettre suivante: :

« De Paris, le 4° décembre 1788.

« J'étais véritablement en peine de vous, mon cher monsieur, et de n'avoir aucune nouvelle, de vous d’abord et ensuite du pays que vous habitez, auquel je dois un intérêt particulier qui ne sort pas de ma mémoire... Je vois que votre cher baron ressemble au paysan d'Horace qui attend au bord de la rivière que l’eau ait coulé. Au bout du compte; quelque ait été le métier qu’on a fait toute sa vie, il serait peut-être dangereux de le quitter à plat quand on y a vieilli. Sully disait que si un homme était accoutumé à recevoir cent coups tous les matins, ils lui manqueraient fort au jour où cesserait la pénitence. Les distractions forcées loin de nuire à la santé, font diversion à son déchet. Quant à ce qui est des minuties, il n’est point de ligne de démarcation entre

* La correspondance de Butré ne lui était point adressée à son domicile chez Fritz, mais chez M. Hammerer, négociant, dans la rue Dauphine. C'était probablement le banquier du baron.